
Vous avez tout quitté pour l'île Maurice. Changement de vie, grand ciel bleu, cocktail à la main et pieds dans l'eau… Ça, c'était sur le papier. Parce que dans la vraie vie, vous vous retrouvez à essayer de sympathiser avec la caissière de Winner's parce que vous avez du mal à créer du lien avec des Mauriciens. Vous êtes arrivé en pensant que tout allait rouler. Le soleil, la mer turquoise, les mangues à gogo, les sourires partout…Et puis au bout d'un mois : toujours pas d'apéro avec les voisins. Toujours pas de message d'Anjali du supermarché, pourtant elle vous avait souri deux fois.
Créer du lien avec les Mauriciens, c'est pas automatique. Ça prend du temps, il faut les bons ingrédients, et il ne faut surtout pas faire le malin. Alors, si vous en avez marre de rester coincé entre vos collègues expats et votre vendeur de mine frit, cet article est pour vous. Voici des conseils utiles, un peu d'autodérision, et des trucs qui marchent (testés sur humains réels).
Ne pas se fondre dans le décor, mais exister sans bruit
Premier piège : croire qu'en faisant profil bas, en se contentant d'un clin d'œil au Sega, on va se faire des amis.
Deuxième piège : l'inverse. Débarquer en mode « chez nous, on fait comme ça ».
Le juste milieu ? Être vous-même ! Mais en version tropicalement ajustée.
On ne veut pas que vous deveniez un clone créole. On veut voir ce que vous avez à partager — sans que ça sente la leçon de vie ou le néocolonialisme bienveillant.
Prenez le temps d'apprendre. De poser des questions sans arrière-pensée. De comprendre les histoires derrière les traditions.
Les Mauriciens prennent le temps
On entend parfois ça : « Les Mauriciens sont gentils, mais ils restent entre eux. » Traduction ? Ils observent. Ils ne s'ouvrent pas à la première poignée de main. Et c'est tant mieux !
Parce qu'ici, l'amitié, la vraie, ça se construit, ça se mérite. Et une fois que vous y êtes, vous êtes dans la famille.
« À mon arrivée, j'ai sympathisé avec l'agent immobilier qui m'avait trouvé la maison alors que j'étais encore à l'étranger. Je lui ai demandé des conseils pour m'intégrer et elle m'a tout simplement invité à l'anniversaire de sa sœur qui avait lieu quelques jours après. Depuis, je fais partie de la famille », partage Cécile, 42 ans.
Abandonnez les rooftops, cherchez les vrais moments
Envie de rencontrer des Mauriciens ? Évidemment, ils ne sont pas au brunch de l'hôtel cinq étoiles. Ils sont :
- en train de jouer au foot pieds nus sur un terrain vague,
- en train de jouer du sega sur une plage le weekend,
- au marché tôt le matin.
Ici, on se rencontre autour d'un carry, d'un feu de camp ou d'une partie de domino. Alors oubliez les lieux huppés. Allez là où ça vit ! Où ça joue. Où ça chante. Où ça pêche le poisson.
« J'ai commencé à courir le dimanche avec un petit groupe à Triolet. Le footing s'est transformé en thé, puis en déjeuner, puis en baptême du feu au piment. J'ai gagné des amis et perdu mes papilles », raconte Stéphane, 46 ans.
Les codes sociaux ? Non négociables
Un « bonzour » oublié, et c'est déjà mal parti. Ici, on dit bonjour à tout le monde. Même au gars qui vous croise dans la rue. Même au gardien que vous voyez dix fois par jour. C'est un passage obligatoire.
Et il y a d'autres codes :
- Ne coupez pas la parole.
- Ne parlez pas de politique comme si vous étiez sur un plateau télé.
- Et surtout, évitez les blagues douteuses sur les communautés. Ici, l'humour racoleur, c'est niet.
Bastien, 34 ans, s'en souvient : « Je faisais de l'humour un peu trop ‘direct' au début. Une collègue m'a dit doucement : ‘Ici, on aime pas trop ça'. J'ai compris. Aujourd'hui, on rigole beaucoup, mais différemment. »
Donnez sans calculer, et vous recevrez plus que prévu
Si vous attendez une invitation juste parce que vous êtes sympa, c'est une mauvaise stratégie. En revanche, impliquez-vous dans un projet local, et là , vous verrez.
Rejoignez une asso, une ONG, un projet citoyen. Faites, partagez, aidez. Et pas pour être remercié ! Juste pour être là . Authentiquement.
Émile, 41 ans, raconte : « Comme j'avais un peu de temps et l'envie de rencontrer des locaux, j'ai décidé de faire du bénévolat au charity center de Tamarin. J'y ai fait de très belles rencontres. »
Le créole, c'est la clé. Même mal parlé.
Vous ne parlerez jamais comme votre voisin de Grand Gaube ? C'est pas grave ! Ce qui compte, c'est l'effort.
Deux-trois phrases balbutiées avec le sourire, et déjà , vous avez gagné des points. C'est une langue du cœur, pas de la perfection.
Essayez :
- « Mo pe aprann » (j'apprends)
- « To korek ? » (ça va ?)
- « Mo kontan Moris » (j'aime Maurice)
- « J'ai mis un peu de temps à me lancer, et je fais encore beaucoup d'erreurs, mais mes amis mauriciens saluent toujours mes efforts. Mon accent les fait rire, et ça ambiance les soirées », rigole Julie, 36 ans.
Vous ne comprendrez pas tout. Les références, les fêtes, les proverbes, les silences pleins de sens… Certains trucs vous échapperont. Et c'est normal !
La musique, c'est plus fort que les mots
La musique à Maurice, c'est une respiration collective. Et c'est souvent là que les premiers vrais rires partagés naissent. Louis, 35 ans, partage son expérience : « Je suis musicien, j'ai pris ma guitare et je me suis assis sur la plage de Flic-en-Flac. Un gars s'est approché. Puis deux. Puis un cajon. Maintenant, on fait des jams régulièrement ensemble. »
Le feu est dans la marmite
La nourriture est sacrée ici. Et c'est le plus court chemin vers le cœur mauricien. Cuisinez. Demandez des recettes. Goûtez tout. Même les trucs bizarres. Même les piments qui piquent trop. Même le gâteau patate de la tante Suzanne.
Et surtout : partagez. Un plat posé sur une nappe, des rires qui fusent, des doigts qui piochent… et le lien se tisse sans avoir besoin de parler beaucoup.
« J'ai appris à faire un satini coco avec une mamie au fond d'une ruelle. Je ne comprends toujours pas comment elle m'a adoptée, mais aujourd'hui je suis invitée à toutes les fêtes de famille », raconte Charlotte, 31 ans.
Entrez dans le rythme des fêtes, pas dans les clichés
Maurice est un kaléidoscope de fêtes religieuses, culturelles, familiales. Et chaque célébration est une occasion de se rencontrer, à condition de ne pas y aller en touriste. Pas question de venir juste pour prendre des photos du Cavadee ou de Holi. Le secret ? Participer. Porter une fleur. Repasser des habits. Décorer une table.
« Ma voisine m'a dit de venir ‘voir la fête'. Je suis repartie avec un sari plein de paillettes. Et deux invitations pour d'autres événements. Ça a été le début de belles amitiés », raconte Isabelle, 32 ans.
Parlez de vous… quand on vous le demande
L'expat a souvent tendance à vouloir tout raconter. Son parcours, ses raisons d'être là , ses projets, sa vision du monde. Mais à Maurice, on ne parle pas trop de soi d'entrée de jeu. On regarde d'abord si vous êtes sincère, constant, respectueux.
Ici, ce n'est pas vous qu'on veut voir. C'est ce que vous dégagez ! En plus, beaucoup d'expats passent. Et ça, les Mauriciens le savent bien.
Ce qui touche, c'est la régularité. Le fait que vous soyez toujours là , une semaine après, un mois après, un an après. Que vous passiez dire bonjour. Que vous reveniez.
Et un jour, sans prévenir, quelqu'un vous dira : « To enn dimoune korek. »
Et là , vous saurez que vous avez trouvé votre place !