
Présenté le jeudi 5 juin par le Premier ministre et ministre des Finances Navin Ramgoolam, le Budget 2025-2026 marque un tournant stratégique dans la politique économique de l'île Maurice. Attendu de pied ferme depuis l'arrivée du nouveau régime gouvernemental, ce premier exercice budgétaire intervient dans un contexte de forte tension économique, avec une dette publique atteignant 90 % du PIB et un déficit budgétaire de 9,8 %, mêlant mesures sociales, ajustements fiscaux et relance ciblée, avec pour objectif de restaurer la stabilité économique tout en répondant aux attentes pressantes de la population. Décryptage des principales mesures qui vous concernent, que vous soyez investisseur, professionnel ou étudiant.
Occupation Permit : ce qui change pour les professionnels
Deux nouvelles catégories d'Occupation Permit visent les professionnels hautement qualifiés. Les conditions sont plus strictes, avec un seuil salarial rehaussé, pour mieux aligner les profils recrutés avec les besoins économiques nationaux.
Autre évolution majeure : la durée de résidence requise pour prétendre à un permis de résident ou d'occupation passe de 10 à 5 ans, facilitant l'installation à long terme des talents et investisseurs étrangers.
Permis de résident retraité : allongement de l'obligation de présence
Désormais, les retraités étrangers titulaires d'un permis de résidence doivent passer au moins 180 jours par an à l'île Maurice. Cette mesure vise à éviter les installations fictives et à renforcer l'intégration locale des bénéficiaires.
Ce qui change pour les investisseurs
Le ton est donné : le gouvernement vise à rétablir la confiance des marchés tout en renforçant les recettes fiscales. L'objectif est de rassurer les marchés, de rééquilibrer la fiscalité et d'attirer des investissements mieux alignés sur des objectifs sociaux et environnementaux. Voici 6 mesures notables :
- Fair Share Contribution : contribution spéciale de 15 % sur les revenus nets annuels supérieurs à Rs 12 millions (dividendes inclus), applicable dès le 1er juillet 2025 pour trois années fiscales consécutives.
- Réforme du programme Smart Cities : un recentrage est prévu pour mieux encadrer les projets, renforcer leur viabilité et assurer leur cohérence avec les priorités actuelles.
- TVA sur les services numériques étrangers : à compter du 1er janvier 2026, les prestations dématérialisées fournies par des entreprises étrangères seront soumises à la TVA mauricienne.
- Restrictions sur les incitations fiscales traditionnelles : les avantages ciblent désormais les projets socialement responsables et conformes aux normes ESG, notamment dans l'éducation et l'environnement.
- Investissements dans l'éducation supérieure : projets de résidences universitaires, dont celle annoncée à Réduit, qui peuvent susciter l'intérêt des investisseurs immobiliers.
- 164 millions de Rs allouées à la protection des plages et des écosystèmes : un signal fort pour les projets intégrant une dimension écologique.
Il ne s'agit pas d'un budget d'attractivité classique, mais d'une redéfinition des priorités économiques, où recettes fiscales et critères de durabilité priment sur les incitations traditionnelles.
Les impacts sur les professionnels et les entreprises
Le gouvernement adresse des signaux précis aux acteurs économiques locaux. Les priorités sont clairement orientées vers la modernisation des infrastructures et le soutien à la compétitivité dans un cadre fiscal révisé. Parmi les mesures clés :
Un programme de start-up en IA : le gouvernement prévoit une dotation de 25 millions de roupies pour le secteur public, ainsi qu'une déduction fiscale pouvant aller jusqu'à 150 000 Rs pour les start-up et PME investissant dans les technologies d'intelligence artificielle.
Réforme de l'impôt sur le revenu des particuliers avec simplification du système en trois tranches :
- Jusqu'à Rs 500 000 : exonération ;
- Rs 500 001 Ã Rs 1 million : taux de 10 %Â ;
- Au-delà de Rs 1 million : taux de 20 %.
Les déductions seront également recentrées.
Cadre réglementaire plus strict en matière de conformité ESG : les entreprises devront ajuster leurs opérations pour répondre aux nouvelles obligations sociales et environnementales.
Fin de la CSG au profit d'un Fonds National de Pensions (NPS) : les contours restent à définir, mais cette réforme vise à renforcer la soutenabilité du système de retraite.
Facilitation de l'octroi de permis de travail pour les étrangers : pour pallier les pénuries de main-d'œuvre et soutenir la compétitivité des secteurs en tension.
À savoir que le gouvernement cherche à redoubler d'efforts dans la croissance des secteurs porteurs tels que la santé, l'éducation, ainsi que la construction.
Révision des tarifs annuels des licences pour les véhicules de type « Motor car/Dual-purpose vehicle/Double cab pick-up » enregistrés sous un nom commercial (catégorie 2) :
- Cylindrée 1 250 cc et moins : le tarif passe de Rs 4 500 à Rs 5 500 à Maurice ;
- Cylindrée 1 251 cc à 1 500 cc : de Rs 6 000 à Rs 7 000 à Maurice ;
- Cylindrée 1 501 cc à 2 250 cc : de Rs 9 000 à Rs 11 000 à Maurice ;
- Cylindrée plus de 2 250 cc : de Rs 14 000 à Rs 16 000 à Maurice ;
- Pick-up à double cabine pour usages spécifiques (catégorie 3 - ex: plantations, apiculteurs, pêcheurs, petites entreprises) : de Rs 4 000 à Rs 5 000.
À partir du 1er juillet 2025, le renouvellement et le paiement de la « Motor Vehicle License » (MVL) pour les véhicules professionnels s'effectuent exclusivement en ligne via la plateforme des e-services de la National Land Transport Authority (NLTA). Aucune procédure de renouvellement physique aux comptoirs de la NLTA ou à la poste n'est prévue pour cette catégorie de véhicules à compter de cette date. La procédure implique l'enregistrement des données du véhicule sur le portail de la NLTA et la réalisation du paiement en ligne et la nouvelle vignette (déclaration) est téléchargeable après validation du paiement. À savoir que la validité du Certificat de Fitness et des licences spécifiques (ex: Public Service Vehicle Licence - PSVL, Carrier's Licence) est une condition préalable au renouvellement de la MVL. Des pénalités (50 % de majoration du montant dû) et des suspensions de licence peuvent être appliquées en cas de non-renouvellement dans les délais.
Immobilier : durcissement fiscal et nouvelles restrictions
Le secteur immobilier subit un net resserrement du cadre fiscal et réglementaire :
- Fin des exonérations fiscales (TVA, impôt sur le revenu) pour les nouveaux projets Smart City à compter du 5 juin 2025.
- Maintien transitoire de certains avantages pour les projets déjà lancés, dont le remboursement de TVA.
- Doublement des droits d'enregistrement pour les non-citoyens, passant de 5 % Ã 10 %.
- Mise en place d'une taxe à la revente : 10 % de la valeur du bien ou 30 % du bénéfice net, selon le montant le plus élevé.
- Interdiction d'achat d'appartements pour les étrangers sur des terrains de l'État ou dans des zones pas géométriques.
- Fin du remboursement de TVA pour les constructions neuves ou achats auprès des promoteurs au 30 juin 2025.
Ces réformes s'inscrivent dans une volonté de concilier attractivité économique, respect de l'environnement et contrôle des dépenses publiques, avec pour objectif de favoriser une croissance immobilière responsable, de limiter les comportements spéculatifs étrangers et d'assurer un impact durable sur l'économie du pays.
Les mesures sociales et leurs effets sur les ménages
Face à une pression inflationniste persistante, le budget 2025-2026 introduit plusieurs mesures pour soutenir le pouvoir d'achat et répondre à des besoins fondamentaux :
Suppression de la TVA sur certains produits alimentaires : aliments pour bébés, conserves, produits surgelés. Une mesure immédiate pour soulager les familles.
Maintien des aides ciblées, notamment dans le secteur de l'énergie, afin de limiter l'impact des hausses tarifaires sur les ménages.
Révision des tarifs annuels de la licence véhicule :
- Cylindrée 1 250 cc et moins : passage de Rs 3 500 à Rs 4 500 ;
- Cylindrée 1 251 cc à 1 500 cc : de Rs 5 000 à Rs 6 000 ;
- Cylindrée 1501 cc à 2250 cc : de Rs 8 000 à Rs 10 000 ;
- Cylindrée plus de 2250 cc : de Rs 13 000 à Rs 15 000 ;
- Véhicules classiques/vintage : de Rs 1 000 à Rs 3 000.
Les modalités de renouvellement et de paiement à partir du 1er juillet 2025 : le renouvellement de la « Motor Vehicle License » pour les véhicules particuliers se fera uniquement en ligne via la plateforme NLTA, sans possibilité de renouvellement physique aux comptoirs ou à la poste.
Fiscalité automobile renforcée dès le 6 juin 2025 : rétablissement des droits d'accise pour véhicules hybrides/électriques, majoration jusqu'à 100 % pour véhicules thermiques, augmentation de 30 % des frais d'immatriculation, suppression des taxes à la revente pour véhicules d'occasion et hausse des taxes annuelles par catégorie.
Amendes pour nuisances sonores et fumée noire : portées à Rs 10 000, ciblant les véhicules polluants et bruyants, impactant directement les ménages.
Subvention totale des frais d'examens SC et HSC : pour les élèves passant ces examens pour la première fois, sous condition d'assiduité ; aides spécifiques pour les candidats en reprise, limités aux foyers sociaux.
L'âge de la retraite : porté progressivement à 65 ans.
Hausse de la taxe sur les transferts fonciers : de 5 % à 8 %, pour freiner la spéculation immobilière.
Autres mesures à retenir
Tabac : Ã partir du 6 juin 2025, les taxes sur les cigarettes augmentent de 10 %. Les prix vont donc monter, jusqu'Ã 65 Rs de plus selon la marque.
Boissons alcoolisées : les taxes sur l'alcool vont aussi augmenter à partir du 6 juin 2025. Sont concernés les prix des bières, des vins, des rhums et des autres boissons alcoolisées.
Produits sucrés: dès le 6 juin 2025, la taxe sur le sucre double. Elle passe de 6 à 12 sous par gramme de sucre. À partir du 1er octobre 2025, cette taxe s'appliquera aussi aux chocolats et aux glaces.
Une orientation plus sociale, mais à surveillerÂ
Ce budget 2025-2026 traduit un changement de paradigme, articulé autour d'une stratégie équilibrée entre rigueur fiscale et réorientation sociale. S'il affiche une volonté de responsabiliser investisseurs et entreprises à travers des critères durables et une fiscalité plus exigeante, il s'efforce également de répondre aux attentes immédiates des ménages, notamment les plus vulnérables. En ce sens, ce budget pose les bases d'une transition économique où stabilité financière et équité sociale devront coexister pour garantir un développement durable à Maurice.