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Petits boulots, entraide, troc : l'économie cachée des expatriés à Maurice

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DisobeyArtPh / Envato Elements
Écrit parLaura Barangerle 07 Juillet 2025

Derrière l'image du nomade numérique qui sirote un smoothie face à l'océan ou du retraité peinard les pieds dans le sable, il existe une autre réalité à l'île Maurice. Celle des petits boulots, des échanges de compétences, des coups de main et des réseaux informels qui font tourner le quotidien. Une économie parallèle, invisible, essentielle, tissée de savoir-faire, de troc, d'échanges, et surtout… d'humain. Dans cette autre façon de vivre, on ne cherche pas à « gagner », au sens classique du terme. On cherche à faire circuler : des compétences, de l'énergie, des idées, du temps, des objets, du soutien, du savoir. Une économie qui sent bon le fait main, le local, le relationnel. Et peut-être, oui, un petit parfum de liberté.

Une économie à taille humaine, qui commence par une phrase simple

Quand on s'installe dans un nouveau pays, il faut tout réinventer. Les repères. Les routines. Les relations. Et souvent, l'activité professionnelle aussi. C'est un moment flottant entre deux mondes, alors une dynamique s'installe presque naturellement : on se rend service, on s'échange des coups de pouce, on active le système D.

« J'ai donné un coup de main à une voisine pour ses flyers. En échange, elle m'a offert trois séances de yoga. Super échange ! » partage Claire, 34 ans, installée à la Gaulette.

Ce type d'arrangement, sans contrat ni pression, est au cœur de cette économie. Ce sont des gens qui font ce qu'ils savent faire, et qui le partagent avec d'autres. Une prof de français va proposer des cours à domicile. Une maman passionnée d'activités créatives va animer un atelier peinture dans son jardin.

Le retour du troc

Cours de langue, aide à domicile, baby-sitting, soutien scolaire, massages, coaching bien-être, couture, bricolage, jardinage, création de logo, … Les idées ne manquent pas ! Et les échanges, eux, démarrent souvent autour d'un simple :
- « Tu fais ça toi ? Tu pourrais m'aider ? »
- « Oui ! Et toi, tu saurais m'apprendre à… »

Et bim, un échange naît, avec de la confiance et du bon sens.

« Je fais du montage vidéo pour une copine qui, en échange, me garde les enfants un samedi sur deux. On a trouvé notre équilibre, sans jamais parler d'argent », raconte Mathias, designer freelance à Grand Baie.

On pourrait appeler ça du troc. Mais ce serait réducteur. C'est plus un écosystème d'échange, où chacun donne ce qu'il peut et reçoit ce dont il a besoin. Et parfois, ça va bien plus loin qu'un simple service : ça crée des liens. Des amitiés. Des collaborations.

Là où ça se passe : les groupes, les réseaux, et le pouvoir du « tu connais quelqu'un ? »

Pas besoin de vitrine, de plateforme ou de marketplace. C'est une économie parallèle qui vit et respire sur les groupes locaux d'expats. Facebook, WhatsApp, Telegram… Y circulent des annonces, des questions, des conseils, des coups de gueule… et bien sûr, des opportunités de services.

Un post publié à 8 h du matin peut déclencher trois messages, deux recommandations et un rendez-vous fixé pour l'après-midi. Une discussion à un apéro peut déboucher sur un partenariat, une amitié, ou un atelier hebdomadaire. Le bouche-à-oreille est roi à Maurice. La recommandation, reine. Et les gens s'entraident, tout simplement, parce que c'est fluide, naturel, humain.

Dans cette économie parallèle, il y a aussi des élans qui vont bien au-delà du coup de main ou du troc. Comme ce jour où Victor, expatrié portugais en attente d'une opération du cœur, publie un message sur un groupe Facebook local.

« Bonjour le groupe, besoin de votre aide, je dois me faire opérer du cœur lundi et on vient de me dire que mon groupe sanguin A négatif est rare. On me demande de trouver 4 donneurs alors si vous êtes du même groupe, faites-le-moi savoir, merci de tout cœur. » Quelques minutes plus tard, les membres du groupe commencent à se mobiliser. Ce n'est pas un « échange » à proprement parler. Mais c'est une forme d'économie du lien, où l'on donne sans attendre, parce qu'on est là, ensemble, ici et maintenant.

Une tendance mondiale, portée par le besoin de lien

Certains expats utilisent cette économie pour rester actifs, sans se réengager dans une structure rigide. D'autres en font un terrain d'expérimentation, un laboratoire pour tester une idée, un atelier ou une nouvelle vocation.

Ce modèle permet d'aller à son rythme, sans pression. On peut proposer un service une fois par semaine, ou une fois par mois. Travailler dans son salon, dans un café, dans une cour partagée. On choisit avec qui, quand, comment. Et surtout, pourquoi.

Les familles expatriées sont les piliers de cette économie parallèle. Elles ont des besoins concrets : aide aux devoirs, sorties scolaires, ateliers enfants, gardes partagées, repas faits maison. Et elles savent aussi très bien mutualiser, prêter, échanger, organiser, transmettre.

« Le mercredi, on alterne entre deux maisons pour garder les enfants. L'autre maman peut bosser tranquille, et moi je m'éclate à leur faire faire du théâtre. C'est notre rythme, notre équilibre », partage Caroline, installée à Grand Gaube.

De Lisbonne à Pondichéry, d'Ubud à Dakar, de Tulum à Grand Baie, cette économie parallèle fleurit partout où les expatriés vivent en communauté. C'est un mouvement porté par le besoin de sens, de simplicité, d'échange authentique. Par ceux qui veulent ralentir, partager, transmettre. Par ceux qui pensent qu'on peut créer de la valeur sans forcément imprimer des factures.

Cette économie-là ne s'oppose pas à l'économie « classique ». Elle la complète. Elle l'humanise. Elle la rend plus souple, plus locale, plus vivante. Au fond, c'est une manière de dire : « Vivre ailleurs, ce n'est pas juste changer de décor. C'est changer de logique ».

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A propos de

Globe-trotteuse dans l’âme, j'aime donner vie aux idées, aux histoires et aux rêves les plus fous. Aujourd’hui installée à l’île Maurice, je prête ma plume à ÍæÅ¼½ã½ã et à d’autres projets inspirants.

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