
Qu'on l'observe avec enthousiasme ou réserve, impossible d'imaginer le monde d'aujourd'hui et de demain sans l'intelligence artificielle (IA). Le dernier rapport du Forum économique mondial le confirme. L'IA révolutionne le marché du travail. C'est encore plus vrai pour les expats aspirant à une carrière internationale. Quelles ³¦´Ç³¾±èé³Ù±ð²Ô³¦±ð²õ faut-il avoir pour retenir l'attention des recruteurs ?
Boom de l'IA et manque de ³¦´Ç³¾±èé³Ù±ð²Ô³¦±ð²õ
Publié le 8 janvier 2025, le rapport « » du Forum économique mondial (World Economic Forum ; WEF) dresse le portrait d'un monde bouleversé par l'IA (il faudrait d'ailleurs plutôt parler « des » IAs). Un bouleversement autant positif que dangereux. Tout dépend, pour les rédacteurs du rapport, du virage que prendront les gouvernements. Impossible néanmoins de résonner à la seule échelle d'un État. L'augmentation constante des interdépendances, notamment sur le marché international de l'emploi, exige une coopération mondiale. Mais on sait déjà que les États ne partent pas sur la même ligne de départ, et que les IAs impactent différemment les secteurs d'emplois et les pays (positivement ou négativement).
Carrière internationale : les nouveaux métiers de l'IA
Le rapport estime que les transformations technologiques, le déclin démographique et les enjeux climatiques créeront quelque 170 millions d'emplois dans le monde d'ici 2030. Mais en parallèle, ces mêmes bouleversements supprimeront 92 millions d'emplois, en particulier sur les postes pouvant être autonomisés.
Côté création d'emploi, les nouveaux métiers de l'intelligence artificielle se retrouvent bien entendu dans le secteur de la Tech, mais pas seulement. Medecine, marketing, commerce, banque, comptabilité, environnement, industrie… un grand nombre de secteurs est impacté par le développement de l'IA.
Les métiers qui recrutent
Cognicien : peut évoluer dans le secteur médical (télémédecine, par exemple), automobile (assistant vocal), mais aussi dans l'univers de la défense (pilotage de drones) ou même du jeu vidéo (applications de jeu). Le cognicien conçoit des systèmes, logiciels et applications censées répondre à la manière de penser des humains. Son travail nécessite de maîtriser et les algorithmes, et la psychologie humaine.
Data scientist : face au nombre croissant des données des entreprises, le data analyst est toujours plus demandé. Il exploite les données, crée des algorithmes répondant aux besoins de l'entreprise. Il évolue dans le commerce, le marketing, la communication, la médecine…
Ingénieur Machine Learning : il conçoit des algorithmes complexes pour apprendre aux IAs à apprendre. Indispensable, l'ingénieur machine learning crée des modèles d'apprentissage automatique.
D'autres métiers autour des intelligences artificielles sont en manque de talents : ingénieur en IA, ingénieur de prompt, responsable de l'éthique IA, chargé de projet Chatbot, architecte data, kill switch engineer (organisation et maintenance des systèmes de sécurité, en collaboration avec les spécialistes en cybersécurité), spécialiste cybersécurité, formateur en IA, gestionnaire des machines, responsable en transformation digitale, deepfake reviewer (traque les fake news), consultant IA...
Derrière le boom de l'IA : des entraîneurs d'IA à la carrière contrariée
Comment faire apprendre aux IA ? Les ingénieurs informatiques disposent de paquets de données (données « étiquetées ») annotées en fonction de la donnée présentée. Par exemple, une image de fleur où l'on renseigne l'emplacement des pétales, de la tige ; une image de personne sur laquelle on précise l'humeur de la personne, etc. Or, ces données étiquetées sont produites par des entraîneurs d'IA.
Les responsables de l'éthique IA sont directement concernés par ce problème, car les entraîneurs d'IA, recrutés surtout dans les pays au faible coût de la main-d'oeuvre, ne bénéficient pas de la mise en lumière des autres métiers de l'IA. Leur travail est pourtant indispensable, car à la base de l'apprentissage des IAs. Mais leur salaire est très loin des standards du secteur. On parle pour eux de « rémunération à un clic » : quelques centimes pour effectuer des tâches répétitives, dans des conditions de travail précaires, souvent sans contrat de travail. Invisibilisés par les géants de la Tech, ils sont contraints de signer une clause de confidentialité leur interdisant de révéler le nom de leur employeur. Ceux qui s'expriment parlent de leurs conditions de travail difficiles, de pathologies liées au travail, du faible salaire et du flot d'images insoutenables auquel ils sont confrontés.
IA : quelles études entreprendre pour réussir leur carrière internationale ?
Le boom de l'IA pose la question de la formation. Le rapport insiste sur le manque de ³¦´Ç³¾±èé³Ù±ð²Ô³¦±ð²õ déjà observé aujourd'hui par les entreprises. C'est un point central pour les expats aspirant à une carrière professionnelle.
Pour développer une « culture IA », on misera sur les écoles d'ingénieurs, les universités proposant des cursus en big data, informatique, statistique, marketing… Dans tous les cas, on veillera aux spécialisations proposées en fonction du métier ciblé. Par exemple, le cognicien possède généralement un diplôme d'ingénieur en sciences cognitives, en mathématiques appliquées ou en informatique, mais avec également des ³¦´Ç³¾±èé³Ù±ð²Ô³¦±ð²õ validées en sciences humaines. Il doit comprendre les modes de pensées de l'humain pour les traduire efficacement en langage informatique.
« Culture IA » : les meilleures universités du monde
Pour augmenter leurs chances de réussir leur carrière internationale, les étudiants étrangers ont tout intérêt à miser sur les bonnes formations. Deux stratégies : étudier dans un secteur directement centré sur l'IA, ou étudier dans un autre secteur sans lien apparent, mais où des connaissances en IA seraient judicieuses. L'Université Technologique de Nanyang (Singapour), l'Université de Sydney, l'École polytechnique fédérale de Zurich, l'Université de Standford (Californie), l'Université de Tsinghua (Chine), l'Université d'Oxford ou encore l'Université de Yonsei (Corée du Sud) font partie des meilleurs établissements du monde, tant au niveau de la formation globale que des formations en intelligence artificielle.
Formations en ligne
Les géants de la Tech proposent leurs formations. Par exemple, Microsoft a lancé son . Google propose sa . Meta a également développé . Les États aussi se lancent dans la course : la France a lancé sa formation gratuite . Le Royaume-Uni a son . Les États-Unis proposent aussi une , mais réservée aux employés du gouvernement fédéral.
Quelles ³¦´Ç³¾±èé³Ù±ð²Ô³¦±ð²õ développer pour réussir une carrière à l'étranger ?
Les experts ont déterminé 4 grandes ³¦´Ç³¾±èé³Ù±ð²Ô³¦±ð²õ indispensables pour réussir une carrière à l'international. Ils partent néanmoins du principe que l'expatrié s'oriente vers les métiers de demain, et n'hésiteront pas à se reconvertir pour garder un profil attractif auprès des recruteurs étrangers.
Développer ses ³¦´Ç³¾±èé³Ù±ð²Ô³¦±ð²õ en intelligence artificielle
Sans surprise, les expats ont tout intérêt à développer leurs connaissances sur les IAs. D'après le rapport, l'IA et les technologies de traitement de l'information représentent les plus grandes causes de transformation des entreprises. D'après l'étude «  2025 » de l'entreprise de formation en ligne Coursera, les demandes des entreprises en matière de ³¦´Ç³¾±èé³Ù±ð²Ô³¦±ð²õ en IA générative ont bondi de +866 % entre 2024 et 2025. Pour elles, la maîtrise des IAs est devenue l'une des ³¦´Ç³¾±èé³Ù±ð²Ô³¦±ð²õ indispensables pour se démarquer.
L'étude précise quelles sont les ³¦´Ç³¾±èé³Ù±ð²Ô³¦±ð²õ en intelligence artificielle les plus recherchées. En première ligne figure l'IA générative. À elle seule, elle serait responsable du plus grand « bouleversement » de l'économie et du marché international du travail (certains comparant le phénomène aux révolutions industrielles). Problème : les entreprises manquent de talents. Les connaissances en artificial neural network (réseau de neurones artificiels, système complexe d'algorithmes permettant par exemple, l'analyse d'images (computer vision) ou l'interprétation de textes par un ordinateur) sont tout aussi recherchées. Même intérêt pour les ³¦´Ç³¾±èé³Ù±ð²Ô³¦±ð²õ en deep learning, en machine learning ou en reinforcement learning.
Développer son expertise en cybersécurité et gestion des risques
Ce boom des IAs va de pair avec une hausse inquiétante des cyberattaques. Selon le de l'entreprise de logiciels Comparitech, les cyberattaquants utilisant des rançongiciels (ransomwares) se targuent d'avoir réussi plus de 5400 attaques contre des entreprises dans le monde. Un chiffre partiel, selon l'étude, en raison du long délai entre les faits et le signalement par les entreprises. Nombre d'entre elles rechignent à ébruiter ces attaques, qui nuisent à leur image. Ces attaques coûtent également très cher : plus de 130 millions de dollars en 2024. Aucun secteur n'est épargné ; les instances gouvernementales ne sont pas épargnées par les cyberattaques.
On comprend mieux l'urgence de recruter des experts en cybersécurité. Depuis quelques années, les métiers de la cybersécurité, de l'analyse réseau et de la gestion des risques figurent déjà parmi les emplois les plus recherchés à l'international. La maîtrise de ces ³¦´Ç³¾±èé³Ù±ð²Ô³¦±ð²õ est de plus en plus demandée par les entreprises. Le WEF le confirme : selon son dernier rapport, les demandes des entreprises en la matière ont grimpé de 70 % en un an.
Être polyvalent
Les experts sont unanimes. La polyvalence est l'une des ³¦´Ç³¾±èé³Ù±ð²Ô³¦±ð²õ clés du travailleur d'aujourd'hui et de demain. C'est vrai pour les locaux comme pour ceux rêvant d'une carrière internationale. Car le boom de l'IA et ses conséquences impliquent nécessairement une remise à niveau constante. C'est le fameux « apprentissage tout au long de la vie ». Or, selon le rapport du WEF, 60 % des entreprises mondiales constatent « un manque de ³¦´Ç³¾±èé³Ù±ð²Ô³¦±ð²õ sur le marché du travail ». 66 % d'entre elles demandent des travailleurs plus flexibles et résilients. Ils doivent aussi être plus curieux et ne pas hésiter à se former tout au long de leur carrière (demande en hausse de 61%). Mais encore faut-il avoir envie de le faire ; encore faut-il pouvoir se former efficacement.
Le rapport constate en effet des freins à cette expansion de la polyvalence. Ces freins peuvent être socioculturels, et touchent aussi bien les locaux que les expats. Difficile de se réorienter lorsqu'on exerce un métier-passion, par exemple. Mais plus simplement, le quotidien rend difficile, voire impossible, la formation au long cours. L'étude souligne d'autres points bloquants, comme le manque d'infrastructures ou un difficile accès à internet dans le pays de résidence.
Polyvalence et titre de séjour
Les expatriés peuvent être confrontés à des difficultés spécifiques : difficulté à intégrer une formation ou à obtenir des aides du fait de leur titre de séjour, par exemple. Si leur permis de travail est limité à un emploi précis, changer de secteur leur sera plus difficile (à moins d'entreprendre de nouvelles démarches pour changer de statut).
Cultiver sa créativité et sa « culture technologique »
L'incitation à se former tout au long de sa carrière internationale va de pair avec le développement de sa créativité et de sa « culture technologique ». La culture technologique désigne l'ensemble des connaissances que le travailleur assimile dans le domaine technologique (numérique, informatique…). Pour le travailleur voulant réussir une carrière internationale, une bonne culture technologique lui permettra de s'adapter à différentes techniques et ambiances de travail. Curieux et polyvalent, il est au fait des outils technologiques développés dans le pays, peut émettre des comparaisons avec d'autres États.
Selon le rapport du WEF, 66 % des entreprises demandent à leurs travailleurs davantage de créativité. Créativité, empathie, esprit d'équipe, motivation et capacité à motiver les autres… Ces ³¦´Ç³¾±èé³Ù±ð²Ô³¦±ð²õ humaines, sociales (softs skills), tout aussi essentielles que les hard skills (³¦´Ç³¾±èé³Ù±ð²Ô³¦±ð²õ techniques) sont les plus recherchées par les entreprises mondiales.
Comment réussir une carrière internationale?Â
Pour les experts, le choix des études est essentiel. On ciblera donc les secteurs les plus en vue. Étudier à l'étranger peut constituer un plus indéniable. L'expat aura d'emblée un profil plus international. Mais l'on peut aussi miser sur des stages à l'étranger. Le point clé reste la formation tout au long de sa carrière. C'est la raison pour laquelle certains talents étrangers misent sur des contrats courts : quelques années dans une entreprise, avant de cibler un autre pays. Il est bien sûr plus facile d'opter pour ce mode de vie lorsqu'on est expat en solo.
Les données macroéconomiques gomment parfois un aspect pourtant essentiel : la vie personnelle du travailleur étranger. Comment se reconvertir, et accepter potentiellement de gagner moins durant une longue période, sans creuser le budget familial (d'où la question de l'accès aux aides à la reconversion professionnelle) ? Peut-on toujours être « serial expat » à l'heure de l'urgence climatique ? Voilà peut-être d'autres défis à relever pour bien définir, et réussir, sa carrière à l'étranger.
Sources :