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ÍæÅ¼½ã½ãriation : comment savoir si c'est une réussite ?

jeune femme prenant son cafe
Wavebreakmedia / Envato Elements
Écrit parHelena Delbecqle 23 Juin 2025

Beaucoup d'aspects sont soumis à la tyrannie du jugement et de l'évaluation aujourd'hui : entretiens annuels, indicateurs de performances, évaluation des objectifs, bilans de compétences, etc. Faut-il aussi évaluer la qualité et le succès de son expatriation ? Vivre à l'étranger est à ce point riche et complexe qu'on peut se demander comment évaluer une telle expérience et pour quelle raison le faire. Briguer un nouveau poste et savoir mieux mettre en avant ce que l'interculturel nous a apporté ? Prendre pleinement conscience de ses aspirations futures en contexte international ou, justement, comprendre les raisons d'un retour ?

Peut-on objectivement évaluer le succès de son expatriation ?

S'il est habituel de mesurer la réussite de vos objectifs professionnels par des KPI (Key Performance Indicators), les entreprises n'ont généralement pas d'indicateurs très spécifiques pour évaluer le succès global d'une expatriation. Ce dernier se mesure habituellement, du point de vue de votre employeur, par le seul accomplissement des objectifs fixés. C'est oublier tous les à-côtés qui font partie intégrante d'une expérience à l'étranger : l'initiation à une nouvelle langue, le travail ou le management en contexte interculturel, l'acquisition de compétences variées ou « soft skills » tels que la capacité de s'adapter ou encore de communiquer dans un contexte comportant des codes différents des siens.

Il est précisément difficile de mesurer tout ce qui est lié à des compétences acquises en milieu interculturel tant les contextes et les réactions sont différents. Avez-vous réellement géré une équipe avec des différences de cultures significatives ou avez-vous imposé votre style managérial tel que vous le pratiquiez avant le départ à l'étranger ? Vous êtes-vous ²¹»å²¹±è³Ùé au style de communication local et avez-vous modulé le vôtre ? On sait, par exemple, à quel point de simples différences dans la manière de communiquer peuvent mener à un malaise ou à des malentendus majeurs : donner une orientation de travail de façon non directive peut être assez perturbant dans certaines cultures.

Difficile donc d'évaluer si vous avez réellement acquis des compétences interculturelles dans le cadre de votre expatriation ou si vous avez juste sorti votre épingle du jeu moyennant quelques ajustements.

De la même manière, apprendre la langue locale est parfois vécu comme inutile par les expatriés, soit en raison de la difficulté supposée de celle-ci soit par manque de temps ou d'intérêt. Qualifie-t-on alors son expérience à l'étranger de succès quand on en revient sans parler un mot de la langue du pays ? L'appréciation est propre à la sensibilité de chacun. Tout dépend de la manière dont vous avez pu, ou pas, créer des liens avec les locaux, la qualité d'une telle relation n'étant d'ailleurs pas forcément la priorité de tous les expatriés.

Alors oui, on peut concrètement mesurer le succès de son expatriation à la promotion qu'on aura obtenue, au salaire et aux primes, aux objectifs remplis, mais difficilement aux compétences qu'on en aura tirées – professionnelles et personnelles – à l'enrichissement intérieur que constitue une expérience à l'étranger. À cet égard, on pense justement aux conjoints suiveurs qui n'ont précisément pas d'outils de mesures objectifs tels que le montant du salaire mensuel. On sait à quel point l'expatriation peut être problématique pour certaines de ces personnes qui se retrouvent sans emploi et sans carrière du jour au lendemain. Est-ce à dire qu'il est inutile pour elles d'évaluer leur expatriation ?

Pourquoi mesurer la qualité et le succès de son expatriation ?

Il est évident que le seul but de la comparaison avec d'autres expatriés n'a aucun intérêt. Mettre en place des outils de mesure serait au contraire très bénéfique pour les entreprises qui ont investi dans l'envoi d'un de leurs employés à l'étranger. Les contrats d'expatriation sont en effet coûteux : prise en charge d'une assurance maladie privée dans la plupart des cas, compensation de vie chère ou autres participations financières telles que le loyer et l'école. Les entreprises auraient donc tout intérêt à mettre en place une évaluation de début et de fin de mission pour savoir s'il est nécessaire de placer un expatrié plutôt qu'un local sur le poste en question. Quelle est la valeur ajoutée spécifique apportée par l'expatrié ? S'agit-il de sa capacité à manager des équipes multiculturelles, de faire le lien entre le central et des équipes dans d'autres pays ? Ou sa présence en tant qu'expert était-elle requise par la difficulté technique du poste ?

Les employeurs ne sont évidemment pas sans se poser la question avant d'envoyer un expatrié, mais un bilan plus formel pourrait être réalisé en fin de mission. Ce dernier pourrait prendre place dans l'optique d'un accompagnement de carrière et d'une politique de ressources humaines aboutie. Quelles compétences précises tel employé a retirées de son expatriation ? Dans quelle mesure ces compétences accompagnent-elles son développement professionnel et quel poste serait à envisager idéalement pour la suite ? On pourrait ainsi envisager de mettre en place, après chaque départ à l'étranger, un bilan de compétence avec une optique spécifique liée à l'expatriation. Ce dernier permettrait à l'employé de mieux cerner les compétences nouvelles liées à son expérience à l'étranger et à l'entreprise, d'y voir plus clair dans son plan de ressources humaines. Si mesurer l'acquisition de compétences interculturelles n'est pas aisé quand on s'y prend seul, c'est précisément le but de ces bilans menés par des professionnels habitués à travailler avec des expatriés.

Pour le conjoint suiveur peut-être resté sans emploi, il n'y a pas de fatalité. Évaluer son expatriation est également instructif : y a-t-il eu des sources de frustration ? Des apports majeurs ? Ce temps a-t-il permis de mieux envisager la suite de sa carrière, voire de lui donner une nouvelle orientation ? Quelles sont les compétences linguistiques et interculturelles acquises pendant ce séjour à l'étranger ? Il est dommage en effet que beaucoup de conjoints suiveurs éprouvent parfois du mal à valoriser ce temps à l'étranger lorsqu'ils sont restés sans emploi. Les bilans de compétences, avec une optique expatriation, ne sont pas réservés aux salariés et pourraient également être très bénéfiques à ceux qui font une pause dans leur carrière.

En somme, évaluer son expatriation sert à mieux cerner et valoriser la nature des compétences acquises, à réfléchir à ses désirs d'évolution en contexte professionnel ou personnel et à prendre la mesure d'un enrichissement intérieur, même si tout n'a pas forcément été positif. Mesurer le succès d'une expatriation, c'est en effet aussi parfois se rendre compte qu'on préfère évoluer dans un contexte plus familier et qu'on n'est pas forcément la personne qui souhaite enchaîner différentes expériences à l'étranger. Il n'y a pas de honte ou de regret à en avoir.

Vie quotidienne
A propos de

Helena a vécu au Japon, en Chine et en Allemagne où elle est actuellement basée. Ces différentes expériences lui ont permis d’enrichir sa compréhension des problématiques variées de l’expatriation. Titulaire de l'Education nationale et d'un Master II en Politiques linguistiques, elle concilie enseignement et rédaction professionnelle, autour de thématiques telles que l’éducation et le travail à l’international. Elle gère également les partenariats et les programmes d'un organisme de formation professionnelle.

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