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Monde du travail : le poids des stéréotypes de genre à l'international

femme travaillant sur son laptop
freepik.com
Écrit parHelena Delbecqle 21 Avril 2025

L'expatriation opère parfois tel un miroir grossissant : certains clichés, notamment liés à l'activité professionnelle, sont comme accentués. On suppose ainsi que les femmes suivent forcément leur conjoint et qu'elles s'occupent comme elles le peuvent, entre expatriées. Les hommes ne sont pas non plus à l'abri de certains stéréotypes. Ils sont sans doute là, pense-t-on, dans le cadre d'une carrière bien tracée, avec un poste haut placé. Quels sont ces clichés « genrés » qui ont toujours la vie dure ?

L'hypothèse du « conjoint suiveur »

Dans les représentations collectives, le conjoint suiveur à l'étranger est immanquablement la femme.

« Lorsque je suis partie à Singapour pour un poste de direction, la plupart des gens avaient comme réflexe de penser que mon mari avait été muté là-bas. C'est un peu fatigant de devoir constamment expliquer que j'étais le principal soutien de famille », partage , une directrice marketing.

Il est vrai qu'un départ à l'étranger reste encore très souvent motivé par le poste du mari, mais des études récentes montrent une évolution. Selon le de Global Mobility Trends, 30 % des expatriés actifs professionnellement sont aujourd'hui des femmes, contre seulement 5 % dans les années 1980.

Il convient aussi de faire la distinction entre celles et ceux qui sont envoyés par leur entreprise à l'étranger (contrats classiques d'expatriés) et les personnes qui trouvent un emploi sur place (contrats locaux). Ce n'est plus forcément le premier modèle qui prévaut. L'±ð²Ô±ç³Üê³Ù±ð précédemment citée montre que beaucoup de personnes n'attendent pas de recevoir une proposition de poste à l'étranger par leur entreprise, mais recherchent activement un emploi, par elles-mêmes, dans un pays cible. Dans ce cadre, on trouve moins ce phénomène du « conjoint suiveur ». Le choix d'une destination d'expatriation sera davantage fait à deux, au regard des différentes opportunités de travail dans un pays donné.

Un homme expatrié au foyer ?

Contrecoup du stéréotype précédent, les hommes sont perçus comme ceux qui ramènent « le gros » du salaire, la plupart du temps.

Rencontrer un homme expatrié qui s'occupe des enfants à la maison  ? Voilà de quoi provoquer étonnement et admiration, même si les gens veulent se défendre d'avoir des préjugés.

Jonathan, un expatrié britannique, raconte : «Lorsque j'ai décidé de faire une pause et de me concentrer sur l'éducation de nos enfants en Suède pendant que ma femme travaillait, j'ai reçu d'innombrables commentaires sur mon « courage », un peu comme si j'avais renoncé à être un homme ! ».

met pourtant en évidence le fait qu'au sein de l'Union européenne du moins, on s'achemine progressivement vers un certain équilibre entre les femmes et les hommes quand il s'agit de s'occuper des enfants.

Une expatriée ingénieure ?

En France, seuls 24  % des ingénieurs sont des femmes (selon la dernière ±ð²Ô±ç³Üê³Ù±ð de l'association Ingénieurs et scientifiques de France). Le est un peu meilleur en Allemagne et en Finlande, mais, dans l'ensemble, la profession est exercée par une majorité d'hommes.

Plusieurs actions sont menées contre ces représentations qui instaurent une certaine frontière entre femmes et carrières scientifiques. En France, on trouve, par exemple, l'association qui vise à déconstruire ces stéréotypes autour de la femme et des secteurs « culturellement plus masculins  », tels que les domaines de l'aéronautique, du maritime, du numérique, de l'automobile, etc.

Ces différentes actions portent peu à peu leurs fruits, mais une ingénieure expatriée en poste soulève encore aujourd'hui une certaine surprise.

Pour , ingénieure installée à Singapour, il a parfois fallu « prendre sur soi » face à des interlocuteurs indonésiens ou vietnamiens pas forcément habitués à voir une femme exercer ce type de métier.

Le leadership, c'est au masculin

Les hommes auraient une aptitude incontestable au leadership, surtout les expatriés.

Les femmes seraient quant à elles un peu moins aptes à diriger une équipe ou un service. On les qualifie d'ailleurs parfois de « peu féminines » quand elles font preuve d'une certaine autorité.

Le rapport sur les femmes au travail confirme que 40 % d'entre elles estiment que leur sexe a un impact négatif sur leur progression de carrière à l'étranger, notamment sur le fait de prendre des postes qui impliquent un leadership.

« À Dubaï, j'étais la seule femme dans une équipe de 15 personnes. Alors que mes collègues masculins étaient invités à des dîners après le travail, je me retrouvais souvent exclue. Or, j'étais censée gérer l'équipe sur un projet. Ça a été vraiment une expérience compliquée. Moi-même, je ne me sentais pas toujours légitime parce que je savais que les autres n'acceptaient pas mon autorité », raconte , une expatriée indienne.

L'équilibre travail-vie personnelle, c'est surtout pour les femmes

Les hommes seraient supposés donner la priorité au travail sur la vie personnelle et familiale à l'étranger. Cette situation leur pèserait moins qu'aux femmes.

Les tendances récentes montrent pourtant bien un changement de mentalité à ce niveau. Une menée par le cabinet Deloitte sur 22 800 répondants (de la génération Z) montre que l'équilibre entre le travail et la sphère privée arrive en tête de la liste des priorités dans le choix d'un poste. Fini le temps où on ne comptait plus ses heures et où l'on était prêt à tout sacrifier. Désormais, la flexibilité du travail (horaires et possibilité d'exercer à distance), le bien-être et l'équilibre entre le professionnel et le privé sont de la première importance.

Plusieurs organisations l'ont d'ailleurs compris et répondent à ce changement en offrant des modalités de travail plus flexibles et des programmes favorisant le bien-être global des expatriés.

L'adaptabilité ne serait pas le point fort des hommes

Les hommes sont censés avoir plus de difficultés que les femmes à s'adapter à la culture locale, que cela soit au bureau ou dans la vie à l'extérieur.

Des études supposent que les femmes font généralement preuve d'une plus grande adaptabilité interculturelle, probablement en raison de meilleures compétences interpersonnelles et d'une plus grande volonté de s'intéresser aux coutumes et de s'impliquer dans les réseaux sociaux locaux.

« Au Japon, j'ai eu du mal à m'adapter au style de communication indirecte sur le lieu de travail. J'avais souvent l'impression de mal interpréter les signaux ou d'insister trop dans les discussions. En revanche, mes collègues féminines semblaient s'adapter beaucoup plus rapidement : elles établissaient comme ça des relations avec le personnel local, on avait l'impression qu'il y avait une sorte de mimétisme », raconte , expatrié britannique à Tokyo.

Qu'est ce qui relève de la réalité ? Qu'est-ce qui relève des clichés genrés ?

Les stéréotypes se fondent en partie sur la réalité, mais à force de généraliser, ils deviennent rapidement de simples caricatures. On peut espérer être un peu plus optimiste que le roi de Prusse Frédéric II qui déclarait à leur sujet : « Chassez-les par la porte, ils rentreront par la fenêtre ! »

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A propos de

Titulaire de l'Education nationale et d'un Master II en Politiques linguistiques, j'ai eu l'opportunité de vivre au Japon et en Chine et suis actuellement basée en Allemagne. Mes activités se déclinent autour de la rédaction et de l'enseignement.

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